Alain ( Emile-Auguste Chartier , dit )

5285108451_93f5ce2296.jpgAlain.jpg     " La fête de Noël est astronomique. Qu'on y célèbre l'Homme-Dieu à sa naissance, dans l'étable, entre le boeuf et l'âne, cela est accidentel ; au reste le symbole est beau ; nous serons sauvés par Enfance et Pauvreté ; heureux qui garde l'une et l'autre jusqu'à ses trente ans. Mais ces symboles peuvent se joindre à n'importe quelle nuit. La nuit de Noël a son caractère dans la nature des choses ;c'est à peu près la plus longue de l'année. Comme le temps des longues nuits est le temps des veillées, ainsi la plus longue nuit enferme la plus remarquable des veillées, avec ses nuances propres, bien différentes de ce gris et sommeillant jour des morts. Le jour des morts , on pense à cette nuit qui vient, qui gagne tous les jours un peu. A Noël c'est tout à fait autre chose ; il y a une agitation, un éveil, une hâte d'user les chandelles ; on entre dans l'autre moitié de la nuit annuelle ; ce n'est plus un crépuscule, c'est une aurore. On adore la nuit qui s'en va. Noël est un départ ; Noël est une préparation. L'arbre, les lumières, les clinquants, tout cela représente une perspective vraie ; le mot Réveillon sonne comme il faut.

 

Réveillez-vous, belle endormie,

Réveillez-vous, car il est jour !

 

     C'est la Diane du matin. Et dans la nuit la plus noire, contre l'apparence, par Science. Qu'un sauveur soit né ici où là, c'est acccessoire ; Noël annonce toujours la gloire de Pâques. Plus vous serez savant, plus vous aurez le sentiment juste qui est au fond de toute religion. Au lieu de penser pour ou contre la religion, il faudrait penser dans la religion. Nul ne peut mesurer la paix, l'amitié, la justice enfin, que les prêtres nous ont volée.

     Il y a un autre temps dans l'année qui s'oppose à la Noël, c'est le temps des nuits les plus courtes, à la fin juin ; à dix heures du soir vers le nord-ouest, l'oeil étonné retrouve le crépuscule dans les nuages. Il n'y a point de fête sacrée à ce moment-là. Quelques astronomes y célèbrent la fête du Soleil ; mais cela est assez froid ; ils n'ont pas  bien compris les jeux du sentiment. C'est l'attente, c'est l'espoir qui réchauffent le culte ; un culte est essentiellement contre ce qui est, vers ce qui sera. En juin, les annonciateurs font rire ; dans le fond, ils devraient annoncer la nuit et le froid ; mais on n'y pense pas encore. L'été est païen. Les dieux sont aux champs, en liberté, en plaisir du moment ; non dans un étroit berceau en espérance.

     J'aperçois une autre relation encore, l'enfant conçu en avril naît à Noël. En avril il est ressuscité ; en décembre il naîtra. Théologie absurde. Mais plantez-la en terre, elle poussera merveilleusement. C'est ainsi que l'Humanité ressuscite. Désir d'avril, berceau de Noël. Renaissance, ivresse ; naissance, espoir ; tout marche du même pas que le Soleil. L'amour crée en avril, flambe en juin, meurt en novembre, renaît à Noël. C'est pourquoi la grande Poésie est absolument vraie. Mais le petit poète est comme le prêtre ; il compare pour comparer ; il croit que le symbole n'est que symbole ; il croit qu'inspiration est désordre, et que comparaison n'est pas raison. Ainsi le musicien qui veut que sa musique représente quelque chose. Mais la vraie musique est quelque chose. Et la vraie comparaison est plus que raison.

 

 " PROPOS "

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