Aigues-Mortes

     J'ai bien failli, hier matin, rater le train du plaisir ! Les portes du car se sont refermées derrière moi tant j'arrivais juste à l'heure . C'est incroyable comme approvisionner les mangeoires des oiseaux , les abreuver , faire quelques câlins à mes chatounettes pour me faire pardonner de mon abandon provisoire peut prendre comme temps ...

     Je pensais revoir les Saintes et finalement , ce n'est pas sans émotion que j'ai découvert Aigues-Mortes, cette ville jadis marquée par la présence tutélaire de Saint Louis , parti de là pour sa dernière croisade , et dans laquelle il ne reviendra plus après avoir rendu son âme à Dieu dans les murs de Tunis. Les vestiges têtus des remparts défensifs , fichés au coeur de cette ville cernée par les lacs salins, iridescents comme des opales offertes au soleil et qui lui valent son nom , rappellent en permanence cette période héroïque de l'Histoire de notre pays. Partout ailleurs , de minces chemins de roseaux dans lesquels circulent pour l 'éternité des gardians et des manadiers  juchés sur de petites montures blanches qu'ils tiennent d'une main brunie par le cuir des bêtes.

     Nous sommes arrivés par un jour de féria : c'est dire qu'Aigues-Mortes grouillait de monde , des touristes aux groupes folkloriques , et que le bruit régnait partout , sans gêne et sans pudeur, dans un immense éclat de joie païenne. Je me suis laissée envahir ,déborder , par ce vacarme irrépressible qui sortait de la cité . En bonne méditerranéenne , j'aime le bruit , la musique , les éclats de voix , les rires qui fusent d'on ne sait trop où ... Ce qui me gêne , c'est le silence pesant et suspicieux  de certaines villes , dont on ignore ce qu'il se passe derrière les persiennes closes .

     Deux jeunes hommes  en goguette , déguisés en lapins roses sont soudain venus vers moi... L'un d'entre eux m'a encerclée de ses deux grands bras de peluche , puis m'a planté deux gros baisers sur chacune de mes joues ... et j'avoue qu'une telle familiarité ne m'a pas paru  choquante tant nous étions tous à la fête !