" Les poissons n'étaient pas assez fous "

     " Ils l'ont fait exprès , ce n'est pas possible autrement : annoncer en plein scandale des lasanes au canasson que les farines animales vont être de nouveau autorisées , d'abord pour les poissons dès le 1er juin, puis pour les  volailles et les porcs à partir de l'année prochaine. On doit bien se marrer , à Bruxelles ...

     Les arguments de la Commission européenne ? D'abord , l'affaire de la vache folle est presque derrière nous : nous sommes désormais "dans la phase finale de l'éradication de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) au sein du cheptel bovin". Ensuite , promis-juré, il n'y aura pas de  cannibalisme : les poissons mangeront des farines de volailles et de porc , les volailles auront droit à des farines de porc, et les porcs à des farines de volailles. Et le tour sera joué, les experts affirmant que le risque de transmission de l'ESB entre animaux ruminants est "négligeable". Aussi : il ne s'agit pas vraiment de "farines animales", prière de les appeler PAT, protéines animales transformées, c'est-à-dire un mélange de plumes, de sang, d'os , de pattes, de gras réduits en farine, bref, rien que de l'alléchant. Enfin : on nous promet une parfaite étanchéité entre les filières produisant ces farines et les autres , la preuve , c'est que le dispositif de contrôle intègrera même des tests ADN. Nous voilà illico rassurés !

     Oubliées, donc,  toutes les grandes promesses solennellement réclamées sur l'interdiction complète et définitive de ces mixtures à l'époque où l'Europe entière tremblait de peur à cause de la vache folle et qu'on abattait les bovins par millions. La priorité consiste désormais à  offrir un nouveau débouché aux éleveurs de porcs et de volailles, et à nourrir à bas prix les poissons d'élevage. Et le consommateur n'a plus qu'à faire confiance , les yeux fermés...

     Et les politiques dans tout ça ? La ministre de l'écologie , Delphine Batho , au lieu d'annoncer que la France refuserait de suivre les consignes de Bruxelles ( ce qu'elle est parfaitement en droit de faire , en s'appuyant notamment sur l'avis négatif donné en octobre 2011 par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation au motif que ce n'est pas sans risque pour la santé publique) , a simplement promis un label "sans farines animales".

 José Bové ne va pas tarder à démonter les poissonneries." J.-L.P.

Le Canard enchaîné - N°4817